Les guerres secrètes existent. Mais elles ne ressemblent guère aujourd’hui aux intrigues les plus folles des blockbusters hollywoodiens. Pensons-nous qu’un quelconque savant fou rêve de devenir le maître de l’univers en créant un super-soldat puis en le clonant à des millions d’exemplaires ? Evidemment non. Un cénacle occulte se réunit-il dans des bases ultrasécurisées pour planifier la conquête du monde par des agents infiltrés dans les plus hautes sphères gouvernementales ? Encore non. Existe-t-il à la surface du globe un génie criminel au QI exceptionnel capable d’inventer une arme terrifiante lui permettant de faire chanter tous les Etats de la planète ? Toujours non. Lex Luthor, tout comme le professeur Moriarty, le Docteur No ou l’organisation du Spectre, habitent l’imaginaire des scénaristes mais pas des souterrains sécurisés sous nos cités, ou des châteaux médiévaux fortifiés, au fond de sombres campagnes au climat transylvanien…

A mille lieues de l’attirail fantasmatique de toutes les formes de théories du complot, ces guerres « masquées » se révèlent à la fois bien plus prosaïques et plus complexes à explorer. Il faut les chercher sur le terrain de l’influence, des stratégies pour configurer et par conséquent contrôler – de la manière la plus discrète possible – l’espace mental, collectif ou individuel, et le maillage normatif. L’influence, pour reprendre la formule de Walter Lippmann, c’est la « fabrique du consentement ».