La sortie de Captain America : Civil War en Blu-Ray et DVD début octobre (https://www.amazon.fr/Captain-America-Civil-War-Blu-ray/dp/B01EX5Q72C) est l’occasion de revenir brièvement sur les pistes de réflexion fort intéressantes que porte ce blockbuster qui se révèle l’un des modèles du genre. Au centre de ce film se situe la question capitale agitant l’époque depuis de nombreuses années : sommes-nous condamnés désormais à vivre dans des sociétés de défiance où le rapport à l’Autre se bâtit prioritairement sur l’anticipation de la menace qu’il pourrait éventuellement faire peser sur nous ?

 

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Ce qui oppose Steve Rogers (Captain America) et Tony Stark (Iron Man) repose dans un choix fondamental de nature politique et philosophique. Tandis que le symbole de la lutte contre le nazisme se méfie au plus haut point des tentations potentiellement liberticides des gouvernements et de toutes les formes de bureaucratie, le milliardaire geek postule que la généralisation de la surveillance adossée à la puissance technologique, le tout entre les mains des experts, fera progresser la cause du bonheur sur la planète…

 

Certes, l’alternative est claire. Mais il est intéressant de creuser l’implicite. Captain America place sa confiance dans l’individu et préfère miser sur son sens moral et des responsabilités, sur sa capacité d’initiative, plutôt que sur la volonté calculatrice  d’organisations géantes (publiques comme privées) qui prennent froidement leurs décisions en fonction de leurs intérêts du moment. Iron Man raisonne de manière strictement opposée. A cet égard, il représente parfaitement et tout à la fois les modes de perception du monde des GAFA, du complexe militaro-industriel de l’Oncle Sam et des technocrates de tout poil qui ne voient de salut que dans la procédure et l’imposition de normes.

Au-delà de sa réussite comme grosse machine de divertissement, Civil War nous donne à contempler une face inquiétante de notre présent : l’incapacité à admettre que le fait même de vivre implique des risques et que l’exigence permanente de contrôle que nous développons depuis le début du XXIe siècle peut dériver facilement en un totalitarisme soft qui nous installerait clairement dans le Meilleur des mondes d’Huxley.

 

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Ce poids lourd Marvel du grand écran confronte enfin deux versions des Etats-Unis qui s’opposent fortement depuis la fin de la Guerre Froide : la première, incarnée par Rogers, est celle des héros traditionnels de l’Amérique, de Norman Rockwell et du combat pour la liberté contre les troupes d’Hitler ; la seconde, dont Stark est l’emblème, se manifeste dans la Silicon Valley, les entreprises de haute technologie et le capitalisme sauvage. Elles alimentent une dialectique complexe qui façonne puissamment une partie de notre siècle.

 

Eric DELBECQUE